La neige et la glace n’ont plus de secrets pour Monique Bernier. Grâce à une étroite collaboration avec les Inuit, les travaux de cette chercheuse servent à la fois la science et les communautés nordiques.
Les rives et les baies du Nunavik sont surveillées de près. Depuis une douzaine d’années, la spécialiste de la télédétection Monique Bernier scrute des images satellites et numériques afin de mieux comprendre les changements climatiques au nord du Québec. Certes, les images captées ne sont pas spectaculaires comme celles de glaciers qui s’effondrent. Par contre, elles corroborent les observations rapportées par les chasseurs et pêcheurs inuit. « D’une année à l’autre, on remarque que la durée du couvert de glace et son épaisseur varient grandement. Comme au sud, les hivers ne se ressemblent plus nécessairement », explique la chercheuse au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « Ce qu’on a vu de plus tangible, c’est que les petits arbustes ont grossi dans les dernières années », ajoute-t-elle.
L’évolution de l’épaisseur de la glace préoccupe aussi la population inuit. « Si la glace devient trop mince, ça peut nuire à la sécurité des gens qui se déplacent sur les rivières », souligne Monique Bernier, dont certains travaux ont été directement commandés par les Inuit. « À la baie Déception, les deux communautés de Salluit et de Kangiqsujuaq ont demandé qu’une étude soit faite sur l’effet de la navigation sur la glace. C’est là que la mine Raglan sort le minerai », indique-t-elle. Un article scientifique sur les trois premiers hivers d’observation sera d’ailleurs publié sous peu. « On a noté que les bateaux passaient toujours au même endroit et que, pour le moment, cela n’avait pas d’incidence directe sur la glace ailleurs dans la baie et sur la débâcle au printemps », affirme la spécialiste.
Impliquer les communautés
La réussite des recherches nordiques repose inévitablement sur une relation respectueuse avec les communautés locales. « Quand on va au Nunavik, on n’est pas chez nous ! » signale Monique Bernier, qui travaille étroitement avec l’organisation régionale Kativik et la Société Makivik.
Juupi Tuniq, de Salluit, a d’ailleurs agi comme guide pour l’INRS. « J’aime beaucoup ce travail, qui me permet de sortir sur le territoire et de chasser parfois en même temps », déclare-t-il en anglais. L’homme constate cependant que la circulation des chercheurs sur le territoire inquiète parfois les gens des communautés. « Ils craignent que l’on fasse des choses qui nuisent à leur chasse. Parfois, ils m’approchent pour en savoir davantage », témoigne-t-il.
Monique Bernier et son équipe veillent à ce que les Inuit puissent profiter le plus possible des résultats de leurs recherches. Par exemple, le programme Avativut (« notre environnement » en inuktitut) a impliqué des élèves dans de véritables cueillettes de données. Également, à la demande de la population, quatre caméras ont été installées dans des sentiers de motoneige situés près de Salluit et de Kangiqsujuaq. « On peut voir ce qui se passe en temps réel et connaître les conditions des chemins », cite-t-elle en exemple. Juupi Tuniq confirme que cet outil est rassurant pour les Inuit. « Ces caméras sont équipées d’un bouton d’urgence », ce qui facilite les opérations de secours, explique-t-il.
Monique Bernier espère que la télédétection franchira bientôt de nouvelles frontières. « Actuellement, avec les capteurs radar, on mesure l’épaisseur de la glace de rivière, mais pas celle de la mer. À cause du sel dans l’eau, le signal est absorbé et ne descend pas dans la glace profondément », dit-elle. La professeure considère qu’une telle avancée permettrait de sécuriser les Inuit dans leurs déplacements, particulièrement en cette ère de changements climatiques.
Source :
Émélie Rivard-Boudreau
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Avril-mai 2020, p. 8