Avec la pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement, la vie de nombreux travailleurs s’est considérablement modifiée. Outre ceux qui ont malheureusement perdu leur emploi, plusieurs sont maintenant contraints de travailler de la maison, ce qui les oblige à adopter des modes inhabituels de fonctionnement et à utiliser de nouveaux outils technologiques, tout en s’occupant de leurs proches. Comment conserver la motivation au travail dans ce contexte professionnel hors de l’ordinaire où tout fonctionne à distance ? La professeure Stéphanie Austin du Département de gestion des ressources humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) s’est penchée sur la question.
« La pandémie actuelle peut assurément affecter la motivation au travail, constate la chercheuse. Cette crise est comme une tempête parfaite où sont réunis les trois principaux indicateurs de stress : la perception de vivre une situation négative, sur laquelle on a peu de contrôle et qui occasionne un sentiment de perte. Ces éléments, jumelés à un bouleversement de la routine, sont certainement susceptibles d’altérer la qualité de la motivation des employés. »
Les besoins à la source de la motivation
Selon la professeure Austin, trois besoins fondamentaux universels doivent être comblés pour favoriser une motivation de qualité. Le premier est le besoin d’appartenance ou d’affiliation sociale. « Entretenir des liens positifs et significatifs avec les collègues, supérieurs et collaborateurs demeure essentiel. En période de confinement, ces liens sont perturbés, et ce, malgré l’utilisation d’outils de communication à distance. L’humain étant un être social, le manque de liens effrite nécessairement la motivation du travailleur au gré du temps. Cet effritement est observable à l’égard du travail, certes, mais aussi à l’égard de toutes les autres activités de la vie », explique-t-elle.
L’adaptation au confinement se déroule mieux chez certains que d’autres. Les travailleurs plus solitaires sont moins perturbés, alors que les personnes plus extraverties s’ennuient de leurs collègues et risquent de souffrir de solitude. « Mais pour tout individu, souligne la professeure Austin, le sentiment d’appartenance à l’équipe de travail et envers son organisation demeure d’une importance capitale. »
Le deuxième besoin à la base de la motivation est le sentiment de compétence dans la réalisation des tâches. Confinés à la maison, plusieurs travailleurs n’ont pas accès à leurs outils de travail habituels, ce qui peut engendrer de la frustration et une baisse de performance. « L’employé doit alors adapter ses comportements pour réussir à fonctionner avec les équipements qu’il possède et sentir que les efforts investis portent fruit. Le sentiment d’être compétent et d’apporter une contribution significative donne un sens au travail. Cet équilibre peut toutefois être particulièrement perturbé lors d’une conciliation obligée des rôles professionnels et familiaux », ajoute la chercheuse.
La motivation trouve aussi sa source dans un troisième besoin : le sentiment d’autonomie. Pour être mobilisé, l’employé doit percevoir qu’il profite d’une flexibilité et d’une liberté de choix dans l’accomplissement de ses tâches. « Avec le télétravail forcé, il y a un danger, signale Mme Austin. En situation de télétravail, certains patrons peuvent devenir plus pointilleux, plus exigeants, parce qu’ils ne voient pas agir les employés ou parce qu’ils ne sont pas formés ou habilités à soutenir de façon optimale le travail à distance. Les employés risquent alors de se sentir contrôlés plutôt que pleinement soutenus. Cet état d’esprit peut les amener à douter de leur compétence et à se replier davantage sur eux. Leur motivation est alors affectée. »
Des conseils pour les employeurs
En ce temps de crise et d’isolement, il demeure primordial de maintenir le lien et d’établir des communications régulières entre l’employeur et ses employés, afin d’assurer la motivation au travail. « Avec le fonctionnement à distance, il devient plus compliqué d’analyser l’attitude des employés, leur comportement non verbal. L’employeur doit se rendre disponible, ce qui implique de prendre le temps de discuter avec les travailleurs et d’écouter leurs besoins. Il lui faut être encore plus attentif aux signaux de détresse et réaliser des suivis constants, mais sans pour autant inonder les employés de demandes. Cet équilibre est fragile », précise Stéphanie Austin.
La chercheuse suggère également de faire preuve de flexibilité et d’opter pour des messages bienveillants envers les employés, afin de les rassurer quant à l’évolution de la situation. Des initiatives favorisant l’autonomie et le plaisir au travail sont les bienvenues. Valoriser la créativité au travail constitue aussi un bon levier de motivation. Du côté du télétravail, l’employeur a avantage à souligner l’importance d’un horaire régulier, parce que les employés peuvent être tentés de travailler à n’importe quelle heure, risquant ainsi d’éprouver de la difficulté à décrocher du boulot. L’instauration et le respect d’une routine de travail évitent le surmenage, contribuent au détachement psychologique et facilitent la vie familiale.
« Rappeler aux employés l’importance de leurs réalisations favorise aussi leur engagement, note la chercheuse. Actuellement, les travailleurs des services essentiels comprennent bien la valeur de leurs efforts, car l’appréciation de leurs concitoyens le leur confirme. Cela contribue à leur motivation. Pour les employés plus isolés et confinés, ce n’est pas toujours le cas. Il faut donc insister régulièrement sur l’utilité de leur travail pour leur permettre de trouver un sens à leurs efforts, malgré la pandémie. »
Des conseils pour les employés
Aux travailleurs, la professeure Stéphanie Austin propose plusieurs pistes de solutions pour l’amélioration de la motivation professionnelle. « Si possible, recréez-vous un environnement de travail à la maison, avec un bureau bien aménagé et isolé du reste de la maisonnée. N’oubliez pas d’inclure des pauses dans votre routine de travail. Par exemple, faire une marche sur l’heure du dîner permet d’améliorer la performance en après-midi », mentionne-t-elle.
En plus de ces moyens, la chercheuse suggère aux travailleurs de faire preuve de compassion envers eux-mêmes, surtout en temps de crise. « Une attitude trop rigide au travail entraîne du stress. Il vaut mieux être flexible et s’ajuster à la situation. Optez aussi pour des activités agréables pendant les périodes de repos. C’est une soupape importante », indique-t-elle.
En présence d’un lien de confiance entre l’employeur et l’employé, ce dernier a aussi avantage à s’ouvrir auprès de son superviseur lorsqu’il vit des situations pénibles ou stressantes. En gardant ses difficultés pour lui, le travailleur s’expose à vivre de la détresse. Il devient moins engagé dans ses tâches et frustré dans ses besoins. Cette situation augmente les risques de détérioration de la performance.
Une occasion de progrès
Avant la pandémie, le télétravail et la conciliation travail-famille constituaient de bons incitatifs pour l’embauche de nouvelles recrues, particulièrement en contexte de rareté de main-d’œuvre. « Certains employeurs demeuraient toutefois réticents à proposer et formaliser ce type de mesures, souligne la professeure Austin. Avec le confinement actuel, les employés et gestionnaires vont se familiariser avec le télétravail et peut-être y prendre goût. Cette expérience va les amener à mieux en comprendre les défis et avantages, ce qui augure bien pour le développement du travail à distance. »
Source :
Service des communications
UQTR, 19 avril 2020
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