Le béluga du Saint-Laurent est une espèce en déclin depuis le début des années 2000. En 2012, Pêches et Océans Canada estimait leur population à 900 dans l’estuaire. S’ils sont certes en péril, ces mammifères marins seraient peut-être en plus grand nombre que le suggèrent les dernières estimations, selon une nouvelle méthode de correction des dénombrements. Dans le cadre de sa maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats, Sara Wing a élaboré des facteurs de correction pour raffiner les inventaires aériens.
Jusqu’en 2000, les chercheurs de Pêches et Océans Canada effectuaient essentiellement des recensements aériens photographiques des bélugas. Ces dénombrements étaient assez coûteux à réaliser et l’obtention des résultats prenait beaucoup de temps. Le dénombrement visuel a été adopté à partir de 2001. Dans les deux méthodes, des facteurs de correction sont utilisés, afin de prendre en compte les cétacés submergés à une certaine profondeur, invisibles à l’œil des chercheurs ou aux caméras.
« Dans le cas des inventaires photographiques et visuels, une multiplication de 2,26 provenant de données à répartition spatiale limitée était appliquée pour tenir compte des animaux submergés. Toutefois, ce facteur de correction n’incluait pas de variables environnementales, comme la profondeur de l’eau et la turbidité, soit sa teneur en particules suspendues qui la troublent. L’utilisation de l’habitat, comme les aires de haute résidence ou de transit, qui a un effet sur la disponibilité des animaux, n’était pas prise en compte non plus. Nous avions donc l’objectif d’identifier un facteur de correction tenant compte de ces variables pour une estimation d’abondance plus précise, et qui sera spécifique au type de relevé effectué », explique la biologiste marine.
Sous la direction du professeur en biologie Dominique Berteaux et en codirection avec la chercheure spécialisée sur les mammifères marins Véronique Lesage de l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada, Sara Wing a étudié des données de plongée et de localisation provenant de 30 bélugas équipés de balises enregistrant leur profondeur de plongée et suivis visuellement.
« Nous avons reconstitué les patrons de plongée des cétacés afin de lier leurs déplacements avec les variables environnementales et comportementales, dressant une carte qui reproduit leur disponibilité dans l’estuaire. À titre d’exemple, au-dessus du chenal Laurentien, le Saint-Laurent atteint des profondeurs de près de 350 mètres. Les bélugas peuvent donc s’y dissimuler davantage que près des rives. Inversement, près de Cacouna, l’eau est beaucoup plus trouble. Donc, même si l’eau est moins profonde, le cétacé peut se dissimuler », précise Mme Wing.
Les premiers résultats suggèrent que le nouveau facteur de correction, prenant en compte l’ensemble des variables environnementales et l’ensemble du territoire, équivaudrait à multiplier par 3,25 les individus observés plutôt que par 2,26. Il faut toutefois interpréter ces résultats avec grande prudence.
« Ce n’est qu’une fois appliqués aux relevés photographiques et visuels passés qu’on pourra valider si ces facteurs de correction permettent réellement de réduire la variabilité entre les estimations d’abondance et d’améliorer notre capacité à détecter des tendances. Ces résultats montrent toutefois l’importance de tenir compte de l’hétérogénéité spatiale et du comportement pour corriger le biais de disponibilité pour cette population. Ainsi, les données pourront servir à une meilleure prise de décision en matière de mise en place de mesures de conservation de l’espèce, de développement de projets maritimes, de règlementation de l’industrie touristique d’observation des cétacés, etc. », conclut la diplômée de l’UQAR.
Le mémoire de recherche de Sara Wing a été déposé au printemps 2019 et est disponible en ligne, sur le dépôt numérique Sémaphore qui permet d’accéder aux thèses et aux mémoires des étudiantes et des étudiants de l’UQAR.
Avant sa maîtrise en gestion de la faune et de ses habitats, Sara Wing a complété un baccalauréat en biologie, concentration sciences marines à l’UQAR. Durant son baccalauréat, au cours d’un trimestre d’été, elle a obtenu un stage de deux mois à l’Institut Maurice-Lamontagne sous la direction de Véronique Lesage. Sara Wing y occupe aujourd’hui un emploi de biologiste marine, où elle travaille notamment sur les plans de protection du béluga et de la baleine noire.
Source :
Service des communications
UQAR, 28 octobre 2020
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