Les professeurs de l'UQAM et de l'UQTR ont reçu récemment une invitation à répondre à un questionnaire portant sur la cyberintimidation envers le corps professoral universitaire. «Il s'agit de la première étude sur le phénomène au Québec», souligne le professeur du Département de didactique Stéphane Villeneuve, qui mène ce projet de recherche, financé par le CRSH, en collaboration avec sa collègue Isabelle Plante, du Département d'éducation et formation spécialisées. «Qu'ils aient vécu ou non de la cyberintimidation, nous enjoignons les professeurs à compléter notre questionnaire, car nous souhaitons obtenir le plus de réponses possibles», dit le chercheur.
La cyberintimidation peut prendre plusieurs formes: courriels agressifs à répétition, commentaires cinglants sur le Web, diffusion de fausses rumeurs, partage de photos trafiquées sur les réseaux sociaux, menaces physiques et même menaces de mort. «Un professeur m'a confié avoir compté plus de 70 échanges de courriels avec un étudiant à propos du même sujet. C'était un cas flagrant de cyberintimidation», soutient Stéphane Villeneuve.
Les conséquences de la cyberintimidation, ou cyberharcèlement, peuvent être graves, rappelle le chercheur. «Les personnes prises pour cibles voient souvent leur estime de soi affectée, sont plus à risque de souffrir d'anxiété, de troubles du sommeil et, lorsque la situation persiste, de dépression.»
«Qu'ils aient vécu ou non de la cyberintimidation, nous enjoignons les professeurs à compléter notre questionnaire, car nous souhaitons obtenir le plus de réponses possibles.»
Stéphane Villeneuve
Professeur au Département de didactique
Dans une autre recherche menée entre 2015 et 2017 auprès de 753 enseignants du primaire et du secondaire, Stéphane Villeneuve a montré que 12,7 % d'entre eux avaient subi de la cyberintimidation de la part d'élèves, de parents, de collègues et de directions d'école. Cette étude avait été réalisée en collaboration avec la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération autonome de l'enseignement et le Service aux collectivités de l'UQAM.
Son nouvel échantillon composé de professeurs d'université comporte 1584 répondants potentiels. «Notre hypothèse est que les femmes et les professeurs issus de minorités raciales vivent davantage de cyberharcèlement», souligne le chercheur. Des entrevues avec les répondants qui disent avoir vécu de la cyberintimidation permettront de mieux comprendre le phénomène et d'envisager des solutions.
La seule autre étude canadienne sur le sujet a été réalisée entre 2012 et 2014 par Wanda Cassidy, de l'Université Simon-Fraser (Colombie-Britannique), auprès de 331 professeurs de 4 universités. Ses résultats indiquaient que 17 % des professeurs avaient subi de la cyberintimidation, surtout de la part d'étudiants et de collègues. «Ce sont des chiffres un peu plus élevés que dans notre échantillon du primaire et du secondaire, constate Stéphane Villeneuve. Cela s'explique sans doute par le fait que l’université est un milieu très compétitif, tant du côté des étudiants que des professeurs.»
Source :
Pierre-Etienne Caza
UQAM, 22 février 2019