L'évaluation de programmes s'appuie généralement sur l'expertise scientifique et l'analyse objective des interventions gouvernementales, fondée sur des données probantes, dans le but d'améliorer la prise de décisions éclairées. Cette méthode répond-elle aux « vraies questions » qui préoccupent les décideurs? L'analyse doit-elle aller plus loin?

Partant du fait que l’utilisation effective des résultats d’évaluation reste, au mieux, limitée, Annie d’Amours, évaluatrice de programmes publics à la Direction des services aux organisations de l’ENAP, explore ici le concept de phronesis ou « sagesse pratique ».
Les évaluateurs comme conseillers
Les travaux du professeur Bent Flyvbjerg, de la Saïd Business School à l’Université d’Oxford, apportent des pistes de solution des plus prometteuses. Flyvbjerg fonde ses recherches et son travail de consultant sur le concept de phronesis, une notion qui a d’abord été développée par le philosophe Aristote, et qui peut se traduire par « prudence », « sagesse pratique » ou « bon sens », distincte de l’expertise technique et de la connaissance scientifique.
Or, les réponses de l’évaluation de programmes s’en tiennent souvent, par souci d’objectivité et de crédibilité, à un niveau factuel et explicatif plutôt que descriptif et compréhensif. Pour être vraiment utile à la décision, nous dit Flyvbjerg, l’analyse doit aller plus loin que la technique et la science, et viser à la sagesse pratique, la phronesis. Plus que des experts, les évaluateurs doivent être des conseillers.
Ce qui importe ici, c’est la façon dont se prennent les décisions. Légitimement soucieux de faire avancer les dossiers et de ne pas paralyser toute action par un débordement de documentation et d’analyse, les décideurs travaillent souvent de façon séquentielle, réduisant les grandes décisions complexes en une succession de petites décisions, de portée plus restreinte, et dont les conséquences ne sont pas envisagées systématiquement.
Source :
Service des communications
ENAP, 20 mars 2017