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Fertilité masculine après la chimiothérapie: de nouvelles questions soulevées

« On pense souvent que les traitements contre le cancer chez les garçons prépubères n’auront pas d’effet sur leur fertilité, car leurs testicules seraient “dormants”. En réalité, le testicule prépubère n’est pas insensible aux chimiothérapies qui affectent les cellules en division. Il est d’ailleurs de plus en plus reconnu qu’il y a des effets à long terme », explique Géraldine Delbès, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) à Laval.

La chercheuse spécialisée en toxicologie de la reproduction a mené une étude pilote en collaboration avec des oncologues et spécialistes de la fertilité du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) sur une cohorte de 13 patients, tous survivants de leucémie et de lymphomes pédiatriques. Leurs résultats, publiés récemment dans la revue Plos One, soulèvent d’importantes questions sur la fertilité masculine et la qualité de vie à long terme des survivants du cancer.

« L’originalité de notre étude réside dans le fait que nous avons dissocié les effets avant et après la puberté et que nous avons observé que l’effet de la chimiothérapie ne semble pas dépendre de l’âge. Tous les patients présentaient un risque d’infertilité plus élevé en raison de l’absence ou de la faible quantité de spermatozoïdes produits. Il n’y aurait donc pas de “période” où les garçons sont insensibles à la toxicité de ces types de chimiothérapie », explique la professeure Delbès, auteure principale de l’étude.

Des facteurs encore mal compris

De larges études épidémiologiques ont déjà montré que les traitements de chimiothérapie pédiatriques peuvent affecter la fertilité masculine à long terme, mais l’effet de l’âge au moment du diagnostic ainsi que le type de traitement sur la qualité ou la production des spermatozoïdes restent encore mal compris.

L’équipe de recherche a analysé les spermogrammes et les dommages à l’ADN des spermatozoïdes de survivants adultes de leucémie ou de lymphome pédiatrique. Elle a comparé ces paramètres chez des patients diagnostiqués avant et après la puberté, et des hommes sans antécédents de cancer.

Les patients de la cohorte avaient reçu des cocktails de plusieurs types d’agent de chimiothérapie, dont des agents alkylants qui sont liés à la diminution de la production de spermatozoïdes à long terme.

La qualité du sperme altérée

Géraldine Delbès se penche sur les questions d’oncofertilité depuis 2005. Dans son laboratoire, elle s’intéresse particulièrement aux anthracyclines qui sont utilisées pour le traitement de plusieurs cancers. Dans cette étude, les chercheurs montrent que ces anthracyclines, qui ne devraient pas avoir d’effet à long terme sur la quantité de spermatozoïdes, auraient potentiellement des effets sur leur qualité.

La chercheuse rapporte que l’utilisation des anthracyclines serait corrélée avec des anomalies dans la chromatine et l’ADN des spermatozoïdes à long terme. Selon elle, ces anomalies sont souvent associées à des problèmes d’infertilité et un mauvais développement embryonnaire.

« Nous sommes conscients des limitations de notre étude dues au nombre restreint de participants, mais ces données sont rares et particulièrement pertinentes pour les garçons dont la mise en banque de spermatozoïdes n’est pas toujours réalisable, ajoute le Dr Peter Chan, un des coauteurs de l’étude, qui  est directeur de la médecine de la reproduction masculine au Département d'urologie du CUSM. Bien que de nouvelles recherches à grande échelle soient nécessaires pour confirmer nos résultats préliminaires; ces derniers sont importants pour les spécialistes de la reproduction et les oncologues qui conseillent ces jeunes adultes, survivants du cancer, sur leurs soins de fertilité. »

Cette étude souligne la nécessité de poursuivre les recherches sur la fertilité des hommes ayant eu un cancer pédiatrique et l’importance de les informer sur l’effet potentiel à long terme de la chimiothérapie sur la fertilité masculine, quel que soit l’âge au moment du diagnostic.

L’article Sperm DNA integrity in adult survivors of paediatric leukemia and lymphoma: a pilot study on the impact of age and type of treatment présente les résultats des travaux de recherche réalisés par Hermance Beaud (INRS); Océane Albert et Bernard Robaire (Université McGill); Marie-Claude Rousseau (INRS); Peter T. K. Chan (CUSM), et Géraldine Delbès (INRS). Ceux-ci ont bénéficié du soutien financier de la Fondation Cole. (DOI : 10.1371/journal.pone.0226262)

Source :
Service des communications
INRS,
22 janvier 2020

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