Déverser vos problèmes dans l’oreille d’un psy, très peu pour vous? Alors peut-être serez-vous plus à l’aise d’exprimer vos angoisses par le dessin. Ou le théâtre. Bienvenue dans l’univers encore méconnu des arts-thérapies.
Suzanne (prénom fictif) est en dépression majeure depuis plus de un an. Gestionnaire de carrière, elle est en arrêt de travail. Sans enfant, divorcée, elle broie du noir jour après jour. Elle ne voit plus d’issue. Plus rien ne l’intéresse. Même manger exige d’elle un effort surhumain.

Mais voici l’heure de sa séance de thérapie par le théâtre. Suzanne s’y rend en se traînant les pieds. Bien qu’une grande lourdeur flotte dans la pièce, ce jour-là, la dramathérapeute Maud Gendron Langevin suscite rapidement l’action. Elles improvisent ensemble différentes métaphores inspirées de ce que Suzanne avait vécu cette semaine-là. Puis, la patiente doit choisir une image d’un personnage de la commedia dell’arte qui représente bien comment elle se sent ce jour-là, pour ensuite mimer sa démarche. Dos courbé, bras ballants, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère ! Puis, elle s’esclaffe, avant de figer. «J’ai ri! s’exclame-t- elle. Quand est-ce que cela m’est arrivé la dernière fois?»
Maud Gendron Langevin repense à ce moment avec émotion. « En faisant ces exercices, explique-t-elle, Suzanne a réalisé qu’elle pouvait encore arriver à envisager les choses sous un angle positif, à avoir du plaisir, à ressentir le désir de vivre. Pourtant, au début, elle trouvait mes demandes un peu ridicules et je devais travailler fort pour l’amener à participer.»
La thérapie par les arts (arts plastiques, musique, danse, théâtre) se définit par l’utilisation intentionnelle d’une forme d’expression artistique comme outil à des fins thérapeutiques.
Mais pourquoi opter pour une thérapie par l’art plutôt que pour une psychothérapie? «La psychothérapie est verbale, rationnelle, explique Maud Gendron Langevin, qui est également professeure à l’École supérieure de théâtre de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On réfléchit, on décortique, on nomme les choses. Certaines personnes sont excellentes dans ces domaines, mais celles qui sont très coupées de leurs émotions, de leur ressenti, de leur corps, peuvent avoir besoin de l’art pour dénouer des impasses. Il y a quelque chose d’intuitif, de spontané dans les arts-thérapies.»
Source :
Bulletin de la recherche
Octobre 2016, p 11-12 et 14.