2018-05-24
Les expériences du professeur Terence Bukong suggèrent des mécanismes par lesquels le cannabis pourrait réduire certains aspects de la stéatose hépatique.
Drogue récréative fort répandue, le cannabis inspire la méfiance en raison de ses effets psychotropes et des troubles psychiatriques qui lui sont associés. Mais le professeur Terence N. Bukong de l’INRS a l’intuition que cette plante recèlerait des effets bénéfiques pour la santé du foie. Ses derniers travaux l’encouragent à explorer cette piste : le cannabis pourrait-il traiter des maladies hépatiques jusqu’à maintenant incurables?

« C’est parti d’anecdotes que nous avons voulu vérifier, admet d’emblée le professeur Bukong de l’INRS. Les stéréotypes sur les consommateurs de cannabis sont nombreux. L’un d’eux propose que, malgré leur grand appétit, ils demeurent minces et ne souffrent pas de maladies inflammatoires du foie. Pourtant, les fumeurs de pot sont parfois aussi de grands buveurs d’alcool, un facteur important pour développer ces maladies. »
Des alcooliques au foie sain
Intrigué, le jeune chercheur vérifie à partir de données médicales si un effet protecteur du cannabis pour le foie est observable. Il a obtenu les dossiers de près de 320 000 individus américains de plus de 18 ans ayant un problème de consommation d’alcool diagnostiqué, dont environ 10 % consommaient du cannabis. Dans quelle proportion ces adeptes de la plante résineuse auraient-ils une pathologie du foie?
Organe vital plutôt discret, le foie assure de nombreuses fonctions dont celles de métaboliser les graisses et de détruire les molécules toxiques provenant de l’alcool, de médicaments ou d’autres produits toxiques. La consommation d’alcool et une alimentation hautement calorique causent chacune un fort stress pour le foie qui peut mener à la cirrhose ou à d’autres maladies pour lesquelles il n’existe aucun traitement curatif à l’heure actuelle.
Aux fins d’analyse, le professeur Bukong s’est concentré sur les adultes qui avaient des problèmes de consommation d’alcool. Les données recueillies indiquent que la consommation d’alcool associée à celle du cannabis réduit de 40 % les risques de développer une hépatite alcoolique. Mais est-ce imputable réellement au cannabis, ou à un autre facteur? « Cette première étape était insuffisante, affirme d’une voix sûre Terence Bukong. Il fallait poursuivre en allant vérifier directement sur les cellules si cet effet était réellement ancré dans les fonctions du foie. »
Une drogue commune, mais mal documentée
Depuis près de 100 ans, l’interdiction du cannabis fait en sorte que peu de recherches y ont été consacrées. Les effets sur le cerveau de ses deux principales molécules actives, le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), sont les mieux documentés, mais leurs actions sur le foie et les autres organes demeurent à clarifier.