Aller au contenu principal

Le sol, ce puits de carbone insoupçonné

Le professeur Vincent Poirier s’intéresse au sol et à son pouvoir de séquestration du carbone.

Pour limiter le réchauffement climatique, pourquoi ne pas miser sur le plancher des vaches ?

Lune des solutions aux changements climatiques? Vous marchez dessus tous les jours sans même le savoir. Vincent Poirier, professeur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), s’intéresse au sol et à son pouvoir de séquestration du carbone. Après les océans, la surface de la Terre — surtout ses six premiers mètres, constellés de racines — représente le deuxième plus grand réservoir d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de toute la biosphère. Même les forêts et l’atmosphère réunies ne lui arrivent pas à la cheville!

« Le CO2 [dioxyde de carbone] entre dans les sols sous la forme de biomasse morte. Les racines des végétaux à la surface la décomposent, entre autres grâce à l’action de macro et de microorganismes », explique le chercheur. La capacité de stockage et d’emprisonnement des sols dépend donc en grande partie de l’enracinement des plantes. Plus leurs racines sont profondes, plus les sols peuvent stocker de carbone, et ce, sur une plus longue durée. « Le potentiel de séquestration des couches profondes est énorme, parce qu’elles sont moins saturées de matières organiques que les couches superficielles », indique-t-il.

Mettre le bétail à la tâche

Dans son laboratoire de l’Unité de recherche et de développement en agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue, situé à Notre-Dame-du-Nord, Vincent Poirier planche sur des stratégies qui visent à faire augmenter le potentiel de séquestration de GES des sols. Par exemple, divers mélanges fourragers, combinant de la luzerne avec des graminées (comme le pâturin des prés et l’alpiste roseau), peuvent-ils avoir un effet sur le stockage de carbone et la biomasse racinaire? Et qu’arrive-t-il si, en plus, on met à la tâche les animaux de pâturage?

Vincent Poirier a tenté de répondre à ces questions à l’aide d’une expérience menée sur trois années consécutives. Les résultats suggèrent un effet positif de la paissance en rotation, qui consiste à déplacer quotidiennement le bétail d’une parcelle à une autre, de manière à offrir un temps de repos aux plantes. « Comparativement au pâturage en continu, le développement de systèmes racinaires et la composition chimique des sols sont meilleurs. Cela s’explique par la formation répétée d’une fine couche de matières organiques due aux excréments des bêtes et aux végétaux piétinés de même que par le stress moindre subi par les plantes, moins broutées au final », expose-t-il.

À terme, ces travaux pourraient aider à atténuer le lourd poids écologique de la chaîne de production de viande bovine et déboucher sur des recommandations agronomiques inédites. Leur intérêt va toutefois bien au-delà du seul domaine agricole. « Le carbone, lorsque séquestré sous nos pieds, ne réchauffe pas le climat, rappelle Vincent Poirier. Surtout, il assure la bonne santé globale des sols et de ce qui pousse en surface. » En somme, des travaux « gagnant-gagnant », autant pour l’humanité que pour Mère Nature.

Lire l’article en format PDF >>>

Source :
Maxime Bilodeau
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Décembre 2020, p. 11

© Université du Québec, 2024