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Les secrets des pins gris de Kamouraska

Les cabourons, ces collines typiques du Kamouraska, ne fascinent pas que les touristes. Les vieilles forêts de pins gris qui les coiffent, des arbres malingres au tronc tordu peu communs sur la rive sud du Saint-Laurent, retiennent aussi l’attention de Guillaume de Lafontaine, professeur à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). L’été dernier, ce spécialiste de la paléoécologie et son équipe ont creusé le sol rocheux de ces cabourons afin d’y dénicher du charbon de bois, un vestige de feux de forêt qui pourrait remonter à des centaines, voire à des milliers d’années. Puis ils ont récolté des cônes de pins gris, ces fameuses « cocottes ».

« Nous devions initialement nous intéresser à la marge nordique de l’aire de répartition du pin gris, un arbre caractéristique de la forêt boréale. La COVID-19 nous a cependant forcés à réviser nos plans et à nous attarder à sa limite sud », raconte le chercheur. C’est un mal pour un bien : les cônes des pins gris du Bas-Saint-Laurent ont comme particularité de s’ouvrir une fois rendus à maturité. En temps normal, ils nécessitent une très forte chaleur, soit plus de 50 °C, pour libérer leurs graines. C’est d’ailleurs pourquoi les pins gris poussent souvent à la suite de feux de forêt.

« Les peuplements du Kamouraska sont donc capables de se régénérer sans incendie. C’est comme si ces arbres s’étaient adaptés à un faible régime de feux propre à la marge sud de leur aire de répartition », explique Guillaume de Lafontaine. Ce trait singulier pourrait se révéler une bonne nouvelle alors que le réchauffement climatique pousse les feuillus à migrer vers les forêts boréales du Nord. « Il y aura vraisemblablement moins de feux de forêt le long de ce front migratoire. Les pins gris dotés de cette capacité à s’ouvrir à maturité seraient donc avantagés », avance-t-il.

Regard sur le passé

Les scientifiques ignorent cependant si ce trait de caractère est héréditaire ou acquis. Même chose en ce qui concerne la capacité migratoire du pin gris, qui est mal comprise. Les travaux d’écologie rétrospective de Guillaume de Lafontaine, dont les résultats ne sont pas encore connus, visent à élucider ces mystères. « En datant le charbon de bois récolté sur les cabourons, nous pourrons déterminer depuis quand s’y trouvent des pins gris. En outre, nous analyserons le génome des cônes de pins gris », décrit-il.

Ce regard dans le rétroviseur est riche en renseignements sur les défis que doivent aujourd’hui relever les végétaux. Surtout, il ouvre une fenêtre inédite sur leur réponse éventuelle aux soubresauts soudains du climat, notamment par l’entremise de projections numériques sur la migration future de plusieurs espèces, dont le pin gris. « Jusqu’à il y a environ 11 700 ans, la Terre a connu des épisodes répétés de glaciation et de réchauffement climatique, dont certains s’apparentent à ceux que nous connaissons actuellement. La paléoécologie peut en ce sens nous aider à mieux comprendre les effets des changements climatiques actuels sur la flore », conclut Guillaume de Lafontaine.

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Source :
Maxime Bilodeau
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Décembre 2020, p. 12

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