Aller au contenu principal

Pour des cultures durables

2018-10-15
La communauté scientifique commence à se questionner sur la réelle efficacité des cultures à base de glyphosate. Photo: Getty images

Marc Lucotte mène un projet visant à réduire l'utilisation massive des controversés herbicides à base de glyphosate.

Le glyphosate a mauvaise presse. Même si les dangers liés à son utilisation continuent de diviser la communauté scientifique, un premier verdict est tombé en août dernier contre son fabricant Monsanto.  Un tribunal californien a condamné la firme (rachetée quelques mois plus tôt par l'allemande Bayer) à verser une compensation de près de 290 millions de dollars à un jardinier se disant victime d'un cancer causé par le puissant herbicide. Aux États-Unis et ailleurs, des milliers d'affaires semblables impliquent le glyphosate. Pourtant, son utilisation massive se poursuit. Au Québec, en 2016, près d'un million d'hectares ont été aspergés, soit 84% du maïs et 65% du soja cultivés dans la province. L'utilisation de l'herbicide serait même en légère augmentation.

Comment expliquer un tel attrait du produit malgré sa potentielle dangerosité? «Son faible coût pour les agriculteurs, son efficacité et sa facilité d'utilisation», explique Marc Lucotte, professeur au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère et titulaire de la Chaire de recherche sur la transition vers la durabilité des grandes cultures. Les herbicides à base de glyphosate (HBG), comme le Roundup de Monsanto, tuent toutes les plantes, sauf celles qui sont modifiées génétiquement pour leur résister. Les mauvaises herbes sont ainsi anéanties, laissant aux plantes qu'on veut cultiver (maïs, soja, canola…) tout l'espace voulu pour prospérer. «On peut être d'accord ou non, mais, en termes de génie génétique, c'est très fort», note le professeur.

Une efficacité questionnée

La communauté scientifique commence toutefois à se questionner sur la réelle efficacité de ce type de culture et c'est dans ce contexte que Marc Lucotte a entrepris, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), le projet MYFROG (Maintaining high yields in Quebec field crops while reconsidering the option of using glyphosate). Le projet vise à développer des alternatives à l'utilisation du glyphosate tout en maintenant de hauts rendements pour les agriculteurs. «À peine 2% des producteurs agricoles du Québec sont bio, dit Marc Lucotte. Si on veut réduire l'utilisation des produits chimiques, il faut travailler avec les autres. La participation du MAPAQ est intéressante parce que le ministère reconnaît qu'il faut sortir de la dépendance au glyphosate.»

Si l'efficacité redoutable du glyphosate est aujourd'hui remise en question, c'est, entre autres, parce que de nombreuses mauvaises herbes sont maintenant résistantes aux HBG. Au Brésil, l'amarante de Palmer, une grande plante dont la croissance dépasse celle du maïs, constitue un réel problème. En 2017, 17 espèces résistantes ont été recensées aux États-Unis et 5 au Canada. Pour contrer ces nouvelles plantes résistantes, le glyphosate ne suffit plus et il faut ajouter d'autres herbicides, encore plus puissants et plus toxiques. «Au Québec, on vend maintenant des cocktails d'herbicides dont la toxicité est beaucoup plus grande que celle du glyphosate seul et qui augmentent les coûts des agriculteurs», dit Marc Lucotte.

En plus du débat qui continue de faire rage sur la toxicité humaine du produit («on retrouve dans la littérature scientifique tout le spectre des positions: de ceux qui affirment que l'herbicide cause le cancer à ceux qui prétendent qu'il n'est pas toxique du tout», précise le chercheur), un autre facteur, de nature environnementale, milite contre son utilisation. «Le glyphosate est biodégradable, dit Marc Lucotte, mais l'un de ses produits de dégradation, l'AMPA [acide aminométhylphosphonique], est beaucoup plus stable et s'accumule dans les sols d'année en année.» Or, les plantes génétiquement modifiées pour résister au glyphosate ne sont pas résistantes à l'AMPA. Ce sous-produit a, par ailleurs, des effets sur la composition microbienne des sols qui peuvent nuire sérieusement à la productivité des cultures.

«En ce qui a trait aux risques de l'AMPA pour la santé humaine ou animale, on est dans le noir, note le professeur. En effet, les compagnies de fabrication de produits chimiques ne sont tenues de mesurer que la toxicité du produit original, et non des sous-produits. Donc, il se peut qu'on ait un autre problème lié à l'AMPA.» Selon des analyses effectuées en 2016 par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, on trouve des traces de glyphosate dans la plupart des produits que nous consommons. Mais la présence d'AMPA n'a pas été étudiée.

Lire la suite >>>

Source :
Marie-Claude Bourdon
UQAM, 12 octobre 2018

Toutes les actualités de l'UQAM >>>

Copyright © 2015  –  Université du Québec  –  Tous droits réservés  –  

Mise à jour: 30 mars 2023