Parce que ses eaux de surface – ruisseaux, rivières, lacs – sont particulièrement abondantes, le Québec a longtemps négligé la connaissance de ses eaux souterraines. «On a fait beaucoup de chemin depuis 10 ans, en particulier depuis la mise en place, en 2009, des premiers projets de recherche financés par le Programme gouvernemental d'acquisition des connaissances sur les eux souterraines», observe Marie Larocque, professeure au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère. Cela dit, il reste encore des régions pour lesquelles on ne dispose pas de données. «L'enjeu est important car les eaux souterraines constituent la source d'alimentation en eau potable de plus de 80 % de la population en région rurale», souligne la chercheuse.

En avril dernier, Marie Larocque a reçu près de 1,5 million de dollars du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques (MDDELCC) ainsi que de partenaires régionaux pour coordonner un projet de recherche sur les eaux souterraines dans la région des Laurentides et des Moulins. D'une durée de quatre ans et couvrant une superficie de 11 150 km2, ce projet vise à brosser un portrait des eaux souterraines afin de les protéger et d'en assurer la pérennité, puis à développer des partenariats avec les acteurs régionaux pour favoriser une saine gestion de cette ressource.
«Au moyen d'une synthèse des données existantes et de travaux de terrain, nous chercherons à comprendre la nature des formations géologiques, à quantifier le bilan hydrique des aquifères – soit les formations de roches, de sable, d'argile et de gravier qui contiennent l'eau souterraine – et à déterminer la vulnérabilité de l'eau souterraine», précise l'hydrogéologue.
L'équipe de recherche bénéficiera de la mise en commun des expertises du Réseau québécois sur les eaux souterraines, basé à l'UQAM depuis 2011, ainsi que des ressources techniques et des protocoles développés au cours des projets financés par le Programme d’acquisition de connaissance des eaux souterraines entre 2009 et 2015. Au cours de cette période, Marie Larocque a coordonné des projets dans trois régions: Bécancour, Nicolet et Bas-St-François ainsi que Vaudreuil-Soulanges.
Partenaires régionaux
Six municipalités régionales de comté (MRC): Antoine-Labelle, Argenteuil, Laurentides, les Moulins, Pays-d’en-Haut et Rivière-du-Nord.
Quatre organismes de bassin versant: l’Organisme de bassin versant de la Rivière-du-Nord (ABRINORD), le Comité du bassin versant de la rivière du Lièvre (COBALI), le Comité des bassins versants des Mille-Îles (COBAMIL) et l’Organisme de bassins versants des rivières Rouge, Petite Nation et Saumon (RPNS).
Maintenir l'équilibre des écosystèmes
L'eau souterraine est essentielle à l'équilibre des écosystèmes aquatiques, rappelle la professeure. «Comme les eaux souterraines sont un maillon du cycle de l'eau, leur écoulement alimente de façon constante le niveau d'eau des rivières, des lacs et des zones humides, particulièrement lors de sécheresses. Si on pompe de l'eau dans un aquifère pour alimenter une municipalité, cela aura un impact sur la nappe phréatique, qui se trouve près de la surface. On doit en tenir compte dans la gestion intégrée de l'eau.»
Par ailleurs, les poissons et autres espèces dépendent des eaux souterraines pour le maintien de leur habitat et de la qualité de l'eau. «Plus froide que l'eau de surface, l'eau souterraine permet de maintenir des zones d'eau fraîche, ce qui est particulièrement important lors des épisodes de grande chaleur comme ceux que l'on a connus cet été, note Marie Larocque. Les poissons peuvent y trouver un refuge, notamment pour se reproduire.»
Les réserves d'eau souterraine servent enfin à irriguer les cultures, à abreuver le bétail et à alimenter des industries. «Dans les régions où les réserves d'eau souterraine sont moins disponibles, les fermiers ont du mal à accroître leur cheptel, dit la professeure. Un autre enjeu concerne la transformation de la production agricole. L'eau souterraine est souvent la source d'eau la plus proche pour alimenter les usines de transformation.»
Source :
Claude Gauvreau
UQAM, 24 Septembre 2018