
Le réseau de l’Université du Québec a créé des emplois et fait gonfler le nombre de diplômés sur le marché du travail. Mais sa contribution économique est beaucoup plus large. Les chercheurs de ses établissements ont étudié, accompagné et propulsé des entreprises ou des secteurs d’activité au potentiel parfois sous-estimé. Un travail qui est loin d’être terminé.
Le bleuet sauvage est passé près de ne pas faire la fierté du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Dans les années 1970, les gels printaniers malmenaient les cultures et leur rentabilité. Pendant ce temps, le petit fruit se faisait abondant dans les provinces maritimes et l’est des États-Unis, des régions où le climat est adouci par l’océan. Comment tirer son épingle du jeu dans un tel marché ? Les producteurs de bleuets se sont tournés vers la science.
Chercheur à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), André Francoeur s’est laissé convaincre de prendre le dossier en main. En 1979, il a organisé un colloque sur le sujet, puis a monté un projet de recherche visant à augmenter la production. Son équipe, notamment composée de biologistes, de géographes et d’un physicien, a étudié les sols, la végétation, la pollinisation par les insectes, mais surtout le climat à l’aide de techniques de télédétection. « On a ainsi mieux compris la dynamique des microclimats dans les grandes bleuetières », se rappelle André Francoeur. Dans 21 d’entre elles, les chercheurs ont expérimenté des solutions, comme des corridors déboisés pour permettre à l’air froid de circuler au lieu de se maintenir dans la clairière. Les découvertes ont été transférées, les années de récoltes perdues se sont raréfiées, les bleuetières ont augmenté leur productivité et toute une industrie a pris son essor. Aujourd’hui, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean possède 82 % de la superficie totale de la production québécoise du bleuet, dont les exportations internationales s’élevaient à 65 millions de dollars en 2017. « Ce n’est pas la Silicon Valley, mais c’est intéressant pour les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, où cela a créé des emplois, observe Marc-Urbain Proulx, professeur en science économique à l’UQAC. Il y a eu le développement d’un nouveau savoir-faire qui a généré de l’activité économique. »
Voilà l’une des retombées, parfois méconnues, de la mise sur pied du réseau de l’Université du Québec (UQ) qui, à l’origine, avait entre autres pour objectif de développer les régions. Non seulement ses établissements y ont créé des milliers d’emplois, mais ils ont augmenté le taux de diplomation en région qui est passé de 2 % à 17 % entre 1960 et 2014. De quoi fournir, hors des grands centres, de nombreux employés aux villes en manque d’effectifs. « La formation de la main-d’œuvre spécialisée dans les domaines du génie, de la microbiologie, de la chimie, pour nous, c’est très important et l’UQ a un rôle majeur à jouer », témoigne Pierre Talbot, vice-président principal innovation de Premier Tech. Cette entreprise, qui exploite la tourbe de mousse de sphaigne, est devenue avec le temps un chef de file en matière d’innovation horticole et agricole. Ses activités s’étendent à toute la planète, mais elle recrute constamment à son siège social de Rivière-du-Loup où travaillent 1 200 personnes, dont plusieurs sont affectées à la recherche et au développement. En 2016, Premier Tech a d’ailleurs lancé un programme de bourse pour les étudiants au doctorat en ingénierie de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Source :
Etienne Plamondon Emond
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Avril-mai 2018, p. 12