Pouvons-nous imaginer que nos politiciens ne soient plus élus, mais plutôt tirés au sort? Cette idée nous semble étrange, pourtant c’était une pratique courante dans la cité d’Athènes. En effet, à partir du 6e siècle av. J.-C. et pendant plus d’un siècle, cette ville va combler près d’un millier de postes administratifs et gouvernementaux (magistrats, fonctionnaires, inspecteurs) à l’aide du tirage au sort. De plus, chaque jour, les centaines de jurés siégeant aux différents tribunaux seront eux aussi choisis au hasard. Si nous avons conservé cette pratique pour juger du sort juridique de nos concitoyens, ne pourrait-on pas aussi remettre à nouveau au hasard leur sort politique.
Pas d’élection à Athènes

À la différence d’Athènes, notre système politique est basé sur l’élection. Or, quelque chose ne tourne pas rond, puisqu’on constate une baisse constante du taux de participation aux élections, tant au Canada qu’en Occident.
Il existe plusieurs causes à cette tendance : corruption, langue de bois des politiciens, mensonges flagrants, affaiblissement des partis traditionnels, influences des groupes de pression, puissance des relations publiques, etc. Et en réaction au déclin de la participation, une panoplie de solutions sont mises de l’avant : une réforme électorale, un contrôle des dépenses ou encore un vote obligatoire. Ces propositions restent cependant centrées sur la question de l’élection, et bien que discutées depuis nombre d’années, la situation semble bloquée. Il vaut alors la peine de se pencher sur l’utilisation du tirage pour ouvrir de nouvelles pistes vers un renouvellement de notre démocratie, qui en a bien besoin, il me semble...
Démocratie et élection, une relation compliquée
Pour plusieurs penseurs politiques, d’Aristote (384-332 av. J.-C.) à Montesquieu (1689-1755), la manière de choisir un gouvernement dépend de sa « nature », soit monarchique, aristocratique ou démocratique. . Ainsi, selon ces auteurs, l’élection est considérée comme aristocratique (favorisant une élite) tandis que le tirage au sort, lui, est démocratique (favorisant l’ensemble du peuple).
En effet, le principe même d’élection implique une distinction d’une personne vis-à-vis des autres. Ainsi, si je décide de voter pour le candidat B, c’est que celui-ci m’apparait « meilleur » que les candidats A et C. Bien sûr, d’autres raisons peuvent me pousser à voter pour B, mais, généralement, les électeurs votent pour le candidat (ou le parti) qui leur semble supérieur.
Le tirage au sort engage un principe différent : il n’y a pas de « meilleur » candidat quand il s’agit de décider de questions politiques, tous sont égaux. Alors, l’objectif n’est plus tant de savoir qui va gouverner, mais plutôt de mettre en place un système qui donne à tous une possibilité égale d’accès aux postes de pouvoir.
Source :
Hugo Bonin
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Octobre 2015