Le monde du sport est gangrené par le dopage malgré l’émergence de méthodes de dépistage sophistiquées dans les dernières décennies. Retour historique sur une lutte sans trêve.

« Aveux de dopage : Lance Armstrong a beaucoup à perdre », rapportait Le Devoir en 2013, dans la foulée des confessions du septuple vainqueur déchu du Tour de France. « La Russie a mis en place un système de dopage d’État », titrait Radio-Canada à l’été 2016, après que l’avocat canadien Richard McLaren eut déposé un rapport incendiaire sur la question. « Soupçons de dopage dans le ski de fond », affirmait Le Monde à quelques jours de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang plus tôt cette année. Les scandales sur le dopage se suivent et se ressemblent, donnant plus que jamais l’impression qu’il a gangrené le milieu sportif.
La consommation de substances qui améliorent les performances sportives n’est pourtant pas un phénomène nouveau dans l’histoire, mentionne Laurent Turcot, professeur au Département des sciences humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). « Il y a toujours eu des athlètes qui ont testé les limites de la légalité dans l’espoir de grignoter quelques secondes. On peut retracer des cas qui s’apparentent à du dopage aussi loin que dans l’Antiquité », souligne celui qui prépare un colloque sur la question en 2020 à l’UQTR. On sait par exemple que des soldats de la Grèce antique avalaient des concoctions d’herbes avant de livrer bataille.
Avance rapide jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle, alors que le sport moderne commence à se développer. On fait alors état de certaines pratiques qui s’assimilent au dopage. Leur particularité : elles sont tout sauf scientifiques, comme le rappelle le cas de Thomas Hicks, vainqueur du marathon olympique de 1904, qui a reçu une injection de strychnine et d’alcool de ses assistants alors qu’il ralentissait. Dans le meilleur des cas, ces substances pouvaient procurer un certain avantage lié à l’effet placébo. Dans le pire des scénarios, elles étaient fatales. « On ne peut pas encore parler de dopage à cette époque, puisque les connaissances scientifiques et les outils qui permettent de le mesurer n’étaient pas au rendez-vous », nuance Laurent Turcot.
Il faudra attendre la seconde moitié du 20e siècle avant que les savoirs physiologiques et biologiques arrivent à maturité, en pleine guerre froide. Le choc entre les blocs de l’Est et de l’Ouest se transporte alors sur les terrains de sport. C’est dans ce terreau fertile que verront le jour nombre de pratiques dopantes, comme la prise massive de testostérone, une hormone à la fois anabolisante et psychostimulante. Et c’est lors du scandale de Ben Johnson, sprinteur canadien épinglé pour dopage au stanozolol, une autre substance qui accélère l’anabolisme musculaire – transformant ses consommateurs en culturistes −, aux Jeux olympiques de 1988 à Séoul que le grand public prend véritablement conscience du dopage. « Il est le premier athlète à faire son entrée dans les livres d’histoire non pas parce qu’il a battu un record, mais bien parce qu’il a été la première grande vedette à se faire prendre la main dans le sac », dit Laurent Turcot.
Source :
Maxime Bilodeau
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Décembre 2018, p. 3