Le projet de recherche mené par l’équipe de la Mauricie se penche sur les transitions scolaires sous l’aune du phénomène de l’institutionnalisation des trajectoires non linéaires. Au Québec, ces parcours non linéaires, marqués par des interruptions et réorientations, sont particulièrement fréquents chez les personnes apprenantes ayant des besoins éducatifs particuliers ou issus de milieux à faible revenu.
Recherche régionale Mauricie
Transitions réussies entre les voies de formation sous la perspective des jeunes de la Mauricie: quels besoins de soutien aux transitions?
En ce sens, le projet de la Mauricie a fait le choix de s’intéresser à tous les parcours – linéaires et non linéaires – pouvant mener aux études supérieures, et ce, dans une pluralité de contextes éducatifs tels que l’enseignement secondaire, la formation générale des adultes ainsi que la formation professionnelle, collégiale et universitaire.
L’intérêt de l’équipe de la Mauricie pour ces transitions est lié à la volonté de donner une voix aux personnes apprenantes, notamment celles qui rencontrent des défis scolaires ou sont marginalisées. Cette approche repose sur l’idée que les personnes apprenantes jouent un rôle actif dans la résolution des problèmes en milieu éducatif, et qu’il est crucial de les impliquer dans ce processus. Les bénéfices de cette participation pour les élèves et les milieux éducatifs sont bien documentés.
La méthodologie adoptée est celle de la recherche-développement (RD), qui implique une collaboration étroite avec les partenaires éducatifs tout au long du processus. Ancrée dans une approche constructiviste et interprétative, cette méthodologie vise à développer des outils et approches adaptés aux besoins identifiés. En 2022, lors de la première phase de la RD, des entretiens semi-dirigés avec 106 personnes apprenantes et 26 acteurs et actrices de soutien aux transitions ont permis d’identifier dix grandes catégories de besoins en matière de transitions, communes à tous les contextes éducatifs bien que variant en spécificité.
Les phases suivantes de la RD, réalisées en 2023-2024, ont consisté à présenter les résultats aux partenaires, qui ont ensuite travaillé avec l’équipe de recherche pour mettre en place ou améliorer des dispositifs de soutien aux transitions. Ce processus d’accompagnement se poursuit en 2024-2025 avec le développement d’outils et la diffusion des résultats de recherche.
Le rapport de recherche se conclut avec 9 recommandations visant à mieux soutenir le processus de transition. Nos résultats révèlent notamment que le processus de transition est loin d’être une finalité en soi pour les personnes concernées. Réduire la transition réussie à un marqueur chiffré de diplomation est non seulement minimaliste, mais cela traduit une incompréhension du processus de transition et de sa portée dans le parcours scolaire.
Quelques chiffres issus du rapport régional
Recommandations

Bien au contraire, le déploiement et le renouvellement des mesures et pratiques de soutien aux transitions doivent nécessairement faire l’objet d’une responsabilité partagée où la personne apprenante est également considérée. En ce sens, la concertation entre les différents corps d’emplois constitue une nécessité si l’on veut soutenir efficacement les transitions d’une diversité d’apprenants et d’apprenantes. Qui plus est, ces concertations gagnent à assurer une place légitime à une pluralité de voix étudiantes.

Le soutien aux transitions constitue un levier important dans l’expérience scolaire des personnes apprenantes. Considérant le caractère systémique de la transition, il importe de reconnaitre d’une part et d’assurer d’autre part le temps nécessaire à l’exercice de ce soutien, certes, mais également à la réflexion entourant son renouvellement à la lumière des besoins évolutifs des personnes apprenantes.

Même si de nombreux modèles de transition évoquent des étapes ou des phases, il importe de reconnaitre que ces dernières ne sont pas statiques. En effet, elles évoluent dans le temps, notamment dans la rencontre entre ce qui était attendu de la personne apprenante (l’avant) et ce qui est vraiment dans l’expérience de transition (le pendant). C’est ici que le caractère itératif de la transition prend tout son sens; la personne apprenante doit souvent faire des retours vers une démarche de préparation pour mieux vivre sa transition, qui évolue dans le temps.

La voix des personnes apprenantes met de l’avant l’importance de la préparation aux transitions, tant en ce qui a trait au contexte d’étude et à son choix professionnel qu’aux nouveaux apprentissages que peut entrainer la transition (p. ex.: le budget, le bail, etc.). Cela dit, il appert que la préparation à la transition reste vive pendant la transition, alors que les personnes apprenantes doivent poursuivre cette préparation in situ en fonction de l’émergence de besoins inattendus où jusqu’alors inconnus. Ainsi, outre les attentes élevées à l’égard de la préparation aux transitions, les milieux éducatifs gagnent à reconnaitre l’évidente itération entre préparation et transition dans le parcours scolaire des personnes apprenantes. En d’autres mots, il s’agit d’une responsabilité partagée qui ne s’arrête pas une fois l’individu en présence dans son nouveau milieu.

Chaque personne apprenante arrive sans contredit avec son bagage personnel, ses expériences scolaires antérieures, ses aspirations et ses appréhensions. C’est la somme de ces caractéristiques individuelles qui vient colorer la suite du parcours scolaire, notamment le processus de transition. Cela dit, alors que les besoins spécifiques sont teintés de ces caractéristiques individuelles et du contexte de formation (contextes multiples), il s’avère que les grandes catégories de besoins de soutien aux transitions sont rassembleuses. Dès lors, ce constat invite les milieux éducatifs à mobiliser ces catégories de besoins dans la mise en action de mesures ou pratiques de soutien aux transitions, plutôt que de construire ou d’offrir des mesures ou pratiques en fonction de groupes ciblés (souvent, une approche caractérisée par des marqueurs de diversité, une approche déficitaire, médicale ou catégorielle). Ce qui sert à l’un peut servir à l’autre! Qui plus est, cette posture renforce l’idée d’assurer la participation d’une diversité de voix étudiantes dans tout processus réflexif entourant le développement de nouvelles initiatives, la bonification ou l’évaluation d’initiatives existantes en matière de soutien aux transitions.

Les milieux éducatifs gagnent à reconnaitre l’évolution de la clientèle étudiante, et ce, non seulement en matière d’accroissement du nombre de personnes étudiantes en «situation de handicap» (ce qui est souvent ramené à l’avant-plan dans les textes officiels), mais également en matière de parcours non linéaires, qui viennent moduler l’expérience scolaire et les besoins qui pourraient découler de cette expérience. Pour mieux s’adapter au caractère évolutif des parcours scolaires et aux besoins individuels des personnes apprenantes, il est également recommandé que les milieux éducatifs adoptent une posture flexible quant à la durée prédéfinie d’un parcours de formation. Le recours à la voix d’une diversité de personnes apprenantes dans tout processus réflexif entourant le soutien aux transitions permettra d’appréhender le caractère évolutif des parcours scolaires.

Force est d’admettre que la sécurité financière des personnes étudiantes constitue un enjeu majeur. Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur la formule d’attribution des prêts et bourses dans leur forme actuelle. Des questions d’accessibilité, de normes d’attribution et de complexité dans la préparation de ces demandes sont importantes à débattre.

Si l’on reconnait l’importance du processus de transition dans l’expérience scolaire des personnes apprenantes et l’incidence de cette expérience sur l’engagement scolaire dans le nouveau contexte d’étude, tous les milieux éducatifs gagnent à se prévaloir d’une forme de vigie sur la compatibilité entre les mesures et pratiques de soutien aux transitions en place et les besoins de soutien aux transitions exprimés par les personnes apprenantes en contexte de transition. Pour ce faire, les milieux éducatifs ont avantage à réaliser un portrait des besoins de soutien aux transitions en recourant aux 10 catégories de besoins (à l’image d’une grille d’analyse) ou en sollicitant la voix de leurs étudiantes et étudiants sur la question.

La définition même d’une transition réussie mérite une attention particulière, que ce soit au sein de l’établissement scolaire ou au sein des ministères impliqués. En effet, de réduire la transition réussie à un marqueur chiffré de diplomation est non seulement minimaliste, mais cela traduit une incompréhension du processus de transition et de sa portée dans le parcours scolaire. Un jeune qui, après quelques semaines, abandonne une formation professionnelle pour se diriger vers une formation technique, ou vice-versa, aura appris de son expérience de transition initiale, en aura appris notamment sur l’adéquation entre la formation et ses aspirations professionnelles, ses compétences, ses sources de motivation, etc. N’est-ce pas là une réussite que de mieux orienter ses choix professionnels, et conséquemment d’apprentissage, en cohérence avec soi? Cette posture invite les personnes actrices de l’éducation et les personnes décideuses à innover en matière d’évaluation de transitions réussies à travers des indicateurs nouveaux qui embrassent le processus de transition pour ce qu’il est, c’est-à-dire, un processus.
Équipe du projet
Rédaction du rapport
- Nadia Rousseau, Ph.D. professeure titulaire, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Caroline Duranleau, M.A., professionnelle de recherche, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- David, Baril, M.Sc., c.o., professionnel de recherche, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Lise-Anne St-Vincent, Ph.D., professeure titulaire, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Équipe de recherche
- Nadia Rousseau, Ph.D., chercheuse responsable, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Lise-Anne St-Vincent, Ph. D., cochercheuse, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Professionnels et professionnelles de recherche
- David Baril, M.Sc., c.o.
- Caroline Duranleau, M.A.
- Ève Marie Gélinas, B.Éd.
Auxiliaires de recherche
- Cynthia Laforme, étudiante de 3e cycle, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Ariane Raymond, étudiante de 2e cycle, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Émilie Cousineau, étudiante de 2e cycle, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Mégane Chauvette, étudiante de 1er cycle, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Organismes partenaires et personnes collaboratrices
- Sébastien Morin, directeur général, Carrefour jeunesse-emploi, Trois-Rivières/MRC des Chenaux
- Geneviève Boivin, directrice générale, Carrefour Jeunesse-Emploi, Shawinigan
- Sandra Belley, directrice adjointe des études, réussite et ressource didactique, Cégep de Trois-Rivières
- Patricia Marchand, conseillère pédagogique, Cégep de Trois-Rivières
- Geneviève Ducharme, directrice des études, Cégep de Shawinigan
- Louise Dauphinais, directrice générale adjointe, directrice des services éducatifs complémentaires et de l’adaptation scolaire et des services éducatifs, Centre de services scolaire de l’Énergie
- Alain Pagé, directeur adjoint aux services éducatifs, secteur des adultes, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
- Isabelle Stoycheff, directrice adjointe aux services éducatifs, secteur jeunes, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
- Sébastien Cloutier, coordonnateur au vice-rectorat aux études à la formation, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Catherine Therrien, directrice suppléante des services aux étudiants, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
- Amélie Belzile, agente de développement, Table régionale de l’éducation de la Mauricie
- Geneviève Hamann, agente de liaison, de soutien et de développement, Table régionale de l’éducation de la Mauricie
Autres personnes collaboratrices aux projets
- Marilyne Blais, conseillère pédagogique, Cégep de Trois-Rivières
- Marie-Pier Cloutier, conseillère d’orientation, Cégep de Shawinigan
- Félix Dupont, chef d’équipe, Carrefour jeunesse-emploi Trois-Rivières/MRC des Chenaux
- Jenny Dugré-Ouellette, directrice au Centre de formation professionnelle Qualitech, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
- Andréanne Gilbert-Hamel, conseillère en adaptation scolaire/orthopédagogue, Cégep de Shawinigan
- Alexandre Janvier-Crête, conseiller d’orientation, services éducatifs du secteur jeunes, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
- Marie-Christine Isabelle, directrice adjointe des études, programmes et réussite, Cégep de Shawinigan
- Marie-Hélène Leblanc, conseillère pédagogique à la réussite, Cégep de Trois-Rivières
- Valérie Lyonnais, conseillère aux services adaptés, Cégep de Shawinigan
- Marie-Claude Lévesque, conseillère d’orientation à l’école Avenues-Nouvelles, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
- Émilie Moreau, conseillère pédagogique, Cégep de Shawinigan
- Marie-Audrey Seyer, conseillère d’orientation, services éducatifs du secteur adultes, Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy
