Au Québec, l’introduction des cégeps et de l'Université du Québec (UQ) a considérablement amélioré l'accès à l'enseignement postsecondaire. Cependant, l'accès, la persévérance et la réussite ne sont pas uniformes, particulièrement pour les populations vulnérables ou sous-représentées comme les personnes issues de la diversité ethnoculturelle et celles de la diversité sexuelle et de genre. Ces groupes font face à des défis spécifiques qui compliquent leurs transitions interordres en enseignement supérieur.
Recherche régionale Montréal
Le soutien aux transitions interordres de personnes des populations de la diversité sexuelle et de genre et ethnoculturelle
Les étudiants issus de la diversité ethnoculturelle rencontrent des obstacles financiers, des écarts de préparation académique, des discriminations et des barrières psychologiques et culturelles. Ils subissent souvent les effets négatifs des préjugés et du racisme, ce qui nuit à leur adaptation et à leur performance académique. De même, les personnes LGBTQ2S+ sont fréquemment victimes de discrimination, de violence et de harcèlement en raison de leur non-conformité de genre, ce qui affecte leur santé et leur motivation. L'intersectionnalité exacerbe souvent ces difficultés, rendant nécessaires des mesures de soutien institutionnelles spécifiques.
Le projet du regroupement de Montréal, impliquant l'UQAM et le Regroupement des cégeps de Montréal (RCM), vise à analyser les mesures de soutien mises en place dans les établissements postsecondaires pour répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe. Une étude préliminaire a identifié 2 mesures de soutien pour les étudiants en transition: les Bureaux pour les étudiants de première année (BEPA) et les groupes étudiants, présents dans plusieurs établissements. Une approche de recherche mixte a permis de recueillir des données qualitatives et quantitatives pour explorer les interactions entre les étudiants et les mesures instaurées. Les objectifs incluaient l'identification et la caractérisation des mesures de soutien pour les transitions interordres ainsi que la compréhension des besoins, obstacles et facilitateurs rencontrés par les étudiants de la diversité ethnoculturelle et sexuelle et de genre durant leur première année au cégep et à l'université. Le projet utilise un cadre théorique systémique, se concentrant particulièrement sur le stade de l'adaptation du modèle MICA, crucial pour la réussite, la persévérance et le bien-être des étudiants. Ce modèle met également en avant l'importance de la satisfaction des besoins fondamentaux d'autonomie, de compétence et d'appartenance sociale.
Les résultats montrent que les étudiants éprouvent souvent des problèmes relationnels, de santé mentale et d'apprentissage, particulièrement exacerbés pour ceux de la diversité ethnoculturelle et sexuelle et de genre. Des problèmes de méthodologie de travail et de maîtrise du français sont également relevés. Les défis d’ordre économique, social et culturel, tels que les difficultés financières et le manque de soutien familial, sont également importants. Pour franchir ces obstacles, le regroupement de Montréal propose 10 recommandations, principalement pour les cadres et gestionnaires des établissements d'enseignement postsecondaire, mais aussi pour le personnel enseignant et de soutien.
Recommandations
L’ensemble des recommandations s’adresse principalement aux cadres et gestionnaires des établissements d’enseignement collégial et universitaire. Cependant, il serait opportun que le personnel enseignant et le personnel de soutien en soient également informés, car ce sont les efforts de collaboration et de coopération entre l’ensemble de ces acteurs qui augmenteront les chances de résultats positifs. Par ailleurs, aucune des recommandations formulées n’est exclusive à la région de Montréal. Leur nature fait qu’elles peuvent être mises en œuvre sur l’ensemble du territoire québécois.

Il s’agit d’une recommandation phare qui émane du projet de recherche réalisé par le regroupement de Montréal. Son utilité perçue et les nombreux avantages qui lui sont associés en font une mesure incontournable pour le soutien des transitions interordres réussies. Les services offerts au BEPA peuvent être d’ordre académique, mais surtout d’ordre psychosocial. Les intervenants du BEPA adoptent une approche participative en accueillant les solutions et les activités proposées par les étudiants. Ils misent avant tout sur une approche «juste à temps», offrant l’aide au moment où la personne en ressent le besoin, sans nécessiter de prise de rendez-vous. Enfin, ils s’inspirent du travail de proximité, situant le local du BEPA et ordonnant son mobilier de façon stratégique afin d’être le plus accessible et accueillant possible. Cette mesure convient pour le contexte collégial ainsi que pour le contexte universitaire.

La principale retombée de cette collaboration est le réseautage entre les différentes ressources déployées dans l’établissement, permettant de diriger facilement les étudiants vers le service correspondant à leurs besoins.

Pour cette mesure, le choix de la personne est important, car elle devra posséder certaines qualités personnelles et interpersonnelles qui la rendent accessible. Un souci de représentativité de la diversité de la population étudiante devrait également figurer parmi les critères de sélection.

Pour que la portée de ses retombées soit optimisée, cette mesure devrait être implantée en alternance, de manière intraétablissement, interétablissements et interordres.

À l’instar du colloque intitulé First Year Experience and Students in Transition qui a lieu aux États-Unis et qui s’adresse à l’ensemble des acteurs impliqués dans la réussite éducative étudiante: enseignants, professionnels ou intervenants, cadres et gestionnaires, parents et étudiants.

Il est important que les étudiants choisis pour agir comme pair senior se sentent à l’aise de s’ouvrir aux autres pour bien remplir ce rôle. D’autres critères de sélection sont également à prendre en considération pour un jumelage harmonieux, que ce soit par affinité personnelle, par programme d’études, par proximité culturelle ou tout autre critère pertinent selon le contexte. Cette mesure est appropriée pour le contexte collégial et universitaire.

À l’instar des associations étudiantes, les groupes étudiants se forment afin de représenter des personnes partageant une ou plusieurs caractéristiques physiques, sociales ou culturelles communes. Par exemple, un groupe pour la diversité sexuelle et de genre et un groupe pour la diversité ethnoculturelle. Quelques ressources matérielles sont à prévoir, notamment un local à l’intérieur de l’établissement où les étudiants peuvent se réunir pour partager ou recevoir un soutien opportun. Il est aussi suggéré de prévoir une ressource humaine, soit un professionnel ou un intervenant déjà employé au sein de l’établissement, afin de soutenir les groupes étudiants et s’assurer de leur bon fonctionnement.

Les services spécialisés les plus fréquemment utilisés sont, par ordre décroissant:
- psychologue
- éducatrice ou éducateur spécialisé
- travailleuse ou travailleur social
- infirmière ou infirmier
Des services de psychoéducatrice ou psychoéducateur, d’orthophoniste et de sexologue peuvent également faire partie du bouquet de services offerts. De cette manière, il devient plus facile pour les étudiants de consulter l’un ou l’autre de ces services spécialisés.

À propos des différentes mesures et services disponibles lors de la journée d’accueil, mais aussi par les enseignants durant les cours. Ce sont de loin les deux façons les plus efficaces pour les établissements d’enseignement d’informer les étudiants et de faire connaître l’existence des mesures et services offerts pour soutenir les transitions.

Cette dernière recommandation n’est pas spécifique à une mesure ou un service de soutien en particulier. Mais sa mise en œuvre exige que les gestionnaires soient capables d’exercer un leadership rassembleur autour d’une vision claire et partagée des mesures et services nécessaires au soutien des transitions réussies. Ce sont des leaders capables d’identifier et d’embaucher les ressources humaines appropriées pour les tâches qu’ils jugent nécessaires. Ils inspirent confiance et sont capables de faire confiance en laissant une certaine liberté d’action aux personnes qu’ils embauchent.
Équipe du projet
Regroupement UQAM-RCM
- Anastassis Kozanitis, professeur, chercheur principal, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Anna Maria Zaidman, professionnelle de recherche, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Partenaires collaborateurs
- Édith Gruslin, enseignante, chercheuse, Collège Ahuntsic, Regroupement des cégeps de Montréal
- Martin Hutchison, professionnel de recherche, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Lilian Lopez, conseillère au développement, Regroupement des cégeps de Montréal
- Philippe Allard, directeur, Regroupement des cégeps de Montréal
- Sylvie Quéré, cadre-conseil au vice-rectorat à la vie académique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Stéphane Godbout, directeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Catherine Parrissier-Potiez, conseillère, vice-rectorat vie académique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
- Nicolas Marchand, directeur, Bureau vice-rectorat à la vie académique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
