Bien que diversifiés, les mouvements d’extrême droite ont en commun plusieurs fondements idéologiques. Ils sont notamment animés par un fort sentiment nationaliste, contestent l’ordre économique et social en place, et ont des tendances xénophobes. Ces caractéristiques font en sorte qu’ils entretiennent un rapport plutôt trouble avec les communautés qui revendiquent une culture différente de la leur.
Décelant dans cette situation une problématique de communication interculturelle, Vicky Girard, étudiante à la maîtrise en lettres (concentration communication sociale) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a décidé de consacrer son mémoire à la compréhension de la rhétorique interne des groupes d’extrême droite.
« Mon intérêt pour la communication interculturelle remonte au début de mon baccalauréat. Dans le cadre du cours d’introduction à la communication sociale, la professeure Farrah Bérubé était venue en classe donner une conférence sur le sujet. En l’écoutant, j’ai réalisé que la communication interculturelle m’interpelait profondément. Plus tard, j’ai commencé à considérer l’idée de faire une maîtrise. Je suis donc allée voir la professeure Bérubé pour lui parler de mes intérêts de recherche, et ça a tout de suite cliqué », raconte l’étudiante.
Cette collaboration avec Mme Bérubé a permis à Vicky de contribuer à une étude sur la médiatisation de l’attentat de la Grande Mosquée de Québec. En faisant ses lectures, elle a commencé à s’intéresser au phénomène de la radicalisation, ainsi qu’aux processus cognitifs qui en découlent. De fil en aiguille, ses recherches l’ont amené à se concentrer sur la partie la plus à droite du spectre politique.
« L’extrême droite n’est pas nécessairement toujours radicale ou violente, mais elle prend de plus en plus de place partout dans le monde. Certains actes concrets sont commis par des gens qui, sans appartenir à des groupes d’extrême droite, se nourrissent de leur idéologie. D’un point de vue scientifique, c’est très pertinent de considérer cette influence, parce que celle-ci a des répercussions réelles sur la société », lance Vicky.
« À l’instar de n’importe quel groupe d’intérêt, les groupes d’extrême droite vont chercher à influencer les acteurs politiques, les élections et le vote. J’ai donc décidé d’étudier ces groupes pour voir comment ils influencent leurs membres. Pour y parvenir, je me suis penchée sur la manière dont ils traitent de différents acteurs, comme les politiciens, les médias, les Québécois, et les autres groupes ethnoculturels », ajoute-t-elle.
Ce que disent les premiers résultats
Dans son mémoire, Vicky a examiné les propos formulés par un groupe d’extrême droite au cours de la campagne électorale de 2018. Au lendemain des élections, elle a téléchargé les 173 publications que ce groupe avait mises en ligne sur Facebook afin de faire une analyse de contenu.
« Je me suis constitué un arbre thématique qui permet de représenter graphiquement les thèmes qu’ils ont abordés. J’étudie également les étiquettes d’identification et les modes d’interprétation. Au fond, chaque acteur mentionné par le groupe d’extrême droite peut l’être de façon positive, neutre ou négative. Ces acteurs peuvent également être objet d’action ou sujet d’action. S’ils sont objets d’action, ils subissent les conséquences d’une action, alors que s’ils sont sujets d’action, ils prennent des initiatives », explique l’étudiante.
Ce qui ressort de l’étude de Vicky, c’est que dans les publications du groupe d’extrême droite, les personnes immigrantes sont surtout des sujets d’actions négatives. En contraste, les Québécois sont représentés comme des objets d’actions négatives, qui sont victimes d’une variété d’acteurs tels les médias, la gauche et l’élite intellectuelle.
« Je me suis rendu compte que ce groupe utilisait beaucoup la rhétorique populiste. Autrement dit, ils créent une dichotomie entre le « nous » (les gentils), et le « eux » (les méchants). « Eux », ce sont par exemple les politiciens et les médias, qui seraient corrompus au point d’aller à l’encontre de l’intérêt public. Leurs orientations nuiraient ainsi au « nous », qui correspond aux Québécois de souche », indique-t-elle.
Vérifier la tendance
Fortement animée par ses découvertes, Vicky compte bien poursuivre ses recherches au doctorat. Elle espère ainsi obtenir des résultats plus généralisables.
« Mon sujet de mémoire me permet seulement de comprendre la dynamique d’un groupe à un moment très précis. Je souhaite étudier plus de groupes, dans divers contextes électoraux. J’espère aussi réaliser une étude de réception en allant interroger des membres de groupes d’extrême droite pour voir comment ils comprennent les messages auxquels ils sont exposés, ce qu’ils en retirent, et quels besoins ces messages viennent combler chez eux », conclut-elle.
Source :
Service des communications
UQTR, 11 mars 2020
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