Malgré une présence en constante croissance dans les écoles québécoises, l’intégration des élèves issus de l’immigration comporte encore plusieurs défis pour les enseignantes et les enseignants. C’est particulièrement le cas pour les allophones. Dans le cadre de sa maîtrise en éducation, Bénédicte Lunion s’est intéressée aux stratégies didactiques mises en place dans les classes d’accueil pour l’apprentissage du français aux élèves réfugiés allophones.
Diplômée au baccalauréat en sciences de l’éducation à l’UQAR, Bénédicte Lunion est elle-même une immigrante originaire de la Guadeloupe. Elle s’est intéressée à l’intégration scolaire des élèves réfugiés dans la foulée de l’accueil de 25 000 réfugiés syriens par le Canada en 2016. « Ces élèves ne sont pas intégrés directement dans des classes régulières. Ils sont d’abord accueillis en classes de francisation, qui regroupent plusieurs niveaux de la 1re à la 6e année du primaire, par exemple. L’apprentissage du français se fait à travers ses trois compétences : la lecture, l’écriture et la communication orale. Selon la progression de l’élève, il peut intégrer certaines classes en cours de cheminement », résume Mme Lunion.
Selon les dernières données de l’Office de la langue française (2015), 15,1 % des élèves du primaire et du secondaire au Québec n’avaient ni le français ni l’anglais comme langue maternelle. Alors qu’ils étudient en grande majorité dans la région de Montréal (42 % des élèves ayant une langue maternelle tierce), l’accueil d’élèves allophones est encore un phénomène relativement nouveau dans les autres régions du Québec (7,1 % des élèves).
Bien que le sujet fasse régulièrement les manchettes, peu de recherches au Québec ont porté précisément sur les dispositifs didactiques utilisés pour l’apprentissage du français. Sous la direction du professeur en didactique du français Sébastien Ouellet, la chercheuse s’est entretenue avec des enseignants et des élèves des classes d’accueil multiniveaux d’écoles du Bas-Saint-Laurent, afin de dresser un portrait des dispositifs didactiques utilisés. Puis, elle a observé directement les conditions de leur mise en place dans les classes et leurs effets sur le plan de l’apprentissage.
L’analyse des résultats fait ressortir que les enseignants rencontrés n’ont pas forcément les moyens nécessaires pour enseigner le français aux élèves réfugiés allophones. « Les enseignants se sentent mal outillés en matière de matériel pédagogique, puisqu’ils doivent adapter le matériel utilisé dans les classes régulières en fonction des besoins personnels et de la progression de chaque élève allophone. Par exemple, si les élèves d’une classe régulière doivent identifier les verbes dans un exercice, ceux de la classe d’accueil utiliseront le même texte. L’enseignant devra donc adapter le contenu pour chaque élève : remplacer des mots inconnus pour un élève, modifier la tâche à faire pour un autre, etc. Avec une dizaine d’élèves par classe, on parle d’une tâche colossale », explique Mme Lunion.
Le manque d’accompagnement, notamment par du personnel en éducation spécialisée ou en conseil pédagogique, fait également partie des constats de l’étude. « C’est un peu comme si le système scolaire n’était pas tout à fait prêt à recevoir ces réfugiés allophones. Dans un contexte régional, où l’accueil de réfugiés est encore un phénomène récent, il y a visiblement un réel besoin de développement d’outils d’accompagnement des enseignants, qui sont, en quelque sorte, la porte d’entrée à la société québécoise pour ces élèves. Les enseignants sont dévoués à leur réussite et ont besoin davantage de soutien, surtout dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre en enseignement que nous connaissons actuellement », conclut la chercheuse.
Le mémoire de recherche de Bénédicte Lunion est disponible en ligne sur le dépôt numérique Sémaphore, qui permet d’accéder aux thèses et aux mémoires des étudiants de l’UQAR. Maintenant diplômée de l’UQAR, l’étudiante poursuit ses études au doctorat en éducation, où elle s’intéresse à la thématique du leadership au sein des directions d’établissements scolaires.
Source :
Service des communications
UQAR, 10 novembre 2020
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